Une servante, donc : dos voûté, cheveux noués sous un fichu, mains rougies par le travail, seins flétris, jambes lourdes. 

Il y a trente années, elle était belle, « tout était ferme chez moi, et mes seins se dressaient que chacun voulait les tâter ». Il y a trente années, elle a connu la passion incongrue, éphémère et scandaleuse et toute la rhétorique des gestes de l’amour et de la haine qui l’accompagne, cette passion dévorante qu’elle a partagé avec l’aristocrate, dix journées durant dans le pavillon de chasse.

Aujourd’hui, elle est là, dans la moiteur d’un après-midi d’été à se raconter devant le jeune homme, à le mettre en garde, à lui dire cette part d’inoubliable qui a forgé toute son existence. Elle est là, les yeux baissés dans la mélancolie du buisson autrefois saccagé par le désir, à rapporter le dénuement de sa vie, les blessures de l'indifférence, le quotidien  de son labeur. Elle est là, jalouse de l’autre, des autres, à confesser ses vilenies, les lettres interceptées, les rendez-vous arrachés, et ses mensonges.

Elle ressasse, elle remâche, elle recompose. Elle énonce le roman de sa vie, sans faire trop de bruit.


Philippe SIREUIL


 

Récit de la servante Zerline

d’Hermann BROCH



COMEDIE CLAUDE VOLTER

2004


Interprétation  Jacqueline Bir et Francesco Mormino 

ou Michel Jurowicz

Décor Vincent Lemaire

Costumes  Catherine Somers

Coiffures, maquillages 

Catherine Friedland

Lumières et mise en scène  Philippe Sireuil

Production

LA SERVANTE








 
  1. photos de Véronique Vercheval ©

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