Pleurez mes yeux, pleurez

d’après Le Cid de Pierre CORNEILLE


THEATRE NATIONAL DE BELGIQUE

2010


Interprétation

Jean- Pierre Baudson (Diègue), Edwige Baily (Chimène), Yoann Blanc (Rodrigue), Patrick Donnay (Gormas et Le Maure), Janine Godinas (Cornélie), Michel Jurowicz  (Sanche et Le conseiller), Marie Lecomte (Camille),  Anne Sylvain (Le Roi).

Costumes  Catherine Somers

Coiffures, maquillages 

Catherine Friedland

Vidéo Benoît Gillet

Assistante à la mise en scène  Christelle Alexandre

Assistant au décor 

Vincent Lemaire

Adaptation, décor, lumières et mise en scène 

Philippe Sireuil



Production  théâtre national de belgique




 
  1. photos de Zvonok ©

Pleurez mes yeux, pleurez.

« La vengeance procède toujours de la faiblesse de l’âme, qui n’est pas capable de supporter les injures. » lit-on dans les maximes de François de La Rochefoucauld. Si Don Diègue, le père de Rodrigue, qui forcera son fils au crime d’honneur avait fait siens ces mots, la pièce de Corneille n’aurait pas existé, et je ne m’apprêterais pas aujourd’hui, après de nombreux et illustres aînés, à en visiter les attraits …

On peut être fasciné par la corrida, il reste qu’il s’agit bien, au bout du compte, quels que soient la beauté et le mystère de ses codes et ses rituels, d’une boucherie. Mettre en scène Le Cid, le représenter « en faisant comme si », en rangeant ce qui fonde le nœud tragique de la pièce - le crime d’honneur -, au rayon des chromos obligés, en oubliant les  atrocités que l’on commet aujourd’hui encore en son nom, ne va pas de soi.

Changez le titre, ce n’est pas se méfier de la pièce, ni encore moins se vouloir plus intelligent qu’elle, c’est à la fois donner la mesure de l’écart qui nous sépare de l’œuvre originale, et nous permettre d’être au plus près de ce qui nous y requiert. En choisissant de substituer au titre de l’œuvre cette injonction empruntée à l’opéra homonyme de Jules Massenet, je souhaite aussi que le spectateur comprenne que la représentation que nous lui proposerons relèvera plus d’un voyage au travers de la tragi-comédie de Corneille que d’une mise à la scène de la pièce au sens classique du terme.

Nous raconterons la pièce bien sûr. Nous en jouerons la fable à huit - quatre actrices et quatre acteurs -, ses intrigues, ses ressorts comme ses invraisemblances. Nous tâcherons de faire écouter les rugueuses beautés de ses alexandrins. Nous aurons du cœur pour  Rodrigue et Chimène, sans oublier l’Infante.

Nous nous souviendrons que Pierre Corneille avait à peine trente ans quand il rédigeait la première version de ces cinq actes traversés par une violence inouïe.

Nous ferons tout ceci bien sûr mais en prenant les libertés que nous aurons envie de prendre, en nous réservant la possibilité du commentaire, de l’extrapolation, de la fragmentation, de la friction, de l’adjonction d’autres matériaux ; nous y mêlerons sans doute des incursions vidéographiques, des extraits d’opéra ou du film où Charles Heston est Rodrigue et Sophia Loren Chimène, bref nous « tripatouillerons » comme l’écrivait Paul Claudel.

Et, « de cet affreux combat » nous sortirons non seulement « l'âme brisée », comme le chante si douloureusement Maria Callas, mais aussi le cœur et les yeux, car nous pleurerons sans doute devant les destins de Chimène et de Rodrigue qu’aucun happy-end ne vient délivrer.

Nous ne prendrons pas le parti de Don Diègue qui profère que « l’amour est un plaisir, et l’honneur un devoir ». Nous nous dirons avec Martin Luther King que « la race humaine doit sortir des conflits en rejetant la vengeance, l’agression et l’esprit de revanche.»


Philippe SIREUIL

30.03.2009

PLEUREZ_MES_YEUX_%282%29.html
PLEUREZ_MES_YEUX_%282%29.html