La maman du petit soldat

de Gilles GRANOUILLET



THEATRE DE POCHE DE GENEVE & THEATRE DU RIDEAU DE BRUXELLES

2012


Interprétation

Edwige Baily (La fille), Felipe Castro (Le fils),Roland Vouilloz (La mère) .

Décor Vincent Lemaire

Costumes  Anna Van Bree

Lumières et mise en scène 

Philippe Sireuil


Production

théâtre de poche de genève  & rideau de bruxelles



 

Dès le titre, on fait fausse route.

On a beau savoir que l’écrivain est un auteur dramatique, on pense plus à un conte pour enfants, à une histoire à lire pour apaiser le sommeil du petit garçon plutôt qu’à une pièce de théâtre.

En fait de sommeil, le nôtre va être agité, mais on ne le devine pas encore …

On ouvre le livre, on y découvre les personnages, Le Fils, La Mère, La Fille, on se dit qu’il n’y a pas là de quoi fouetter un chat, que c’est à une énième histoire de famille, à ses atermoiements et à ses variations que la pièce nous convie.

On est loin de se douter de ce qui nous attend …

On feuillette encore et on commence à lire ; et à cet instant, le piège tendu dès le titre par Gilles Granouillet, se referme sur vous inexorablement.

Tour à tour, on va partager les crieries du fils, les dénégations de la mère, les terreurs de la fille, on va transiter de la cuisine d’un pavillon de banlieue française aux sables mouvants et rocailleux d’un conflit pour la paix, d’une nuit étoilée sous les dattiers à celle qui précède les courses du samedi au Lidl, de la réalité du soldat à la fiction de la fille - à moins que ce ne soit l’inverse ! -  et ce chat qu’on pensait ne pas devoir fouetter à l’ouverture du livre, on le verra apparaître au détour d’une page, d’abord dans le récit de la sœur, puis dans la main du jeune soldat, écrabouillé par son talon …

La pièce achevée, on n’en sort pas. Ou plutôt on ne sait pas exactement comment en sortir, ce que ça raconte, ce qu’il faut en penser. On est là face au bouquin comme retenu et expulsé à la fois, bousculé par la dualité qui règne sans avertissement au fil des pages - les rôles, les temps, les lieux sont tous innervés par le dédoublement -, l’écriture bousculant elle-même les frontières entre quotidien et poétique.

On pense alors à ce qu’a dit l’écrivain, qu’il a voulu « ramener la guerre à la maison », qu’il s’est demandé « comment écrire pour qu’on ne puisse pas se dire : oui, c’est bien triste la guerre des autres, la guerre de là-bas, bien triste, mais au fond, c’est bien loin tout ça… », que cette pièce, pour lui, « n’éclaire aucun conflit particulier, mais essaie de nous faire sentir les choses de l’intérieur ».

On se dit que son ambition est belle, que ça vaut la peine d’aller y voir plus profond, qu’on a envie de la partager, et de la faire partager.

Philippe SIREUIL

29.12.2011

  1. photos de Christian Lutz ©