À l'école, la guerre, c'est d'abord celle des romains et des gaulois; après,

il y a celle de cent ans avec ces maudits anglais qu'on boute à la mer, puis celle

des deux roses, puis les napoléoniennes, la première mondiale, la deuxième, la froide,

celles de Corée et d'Algérie, la nucléaire enfin ; en chansons, elle est finie, drôle ou jolie ;

les journaux la préfèrent de sept jours ou des Balkans ; à la télévision, elle prend des noms de code, on la dit propre, chirurgicale ou même humanitaire ; le cinéma l'envoie dans les étoiles et les consoles vidéo nous la jouent virtuelle...

La guerre accompagne la folie des hommes et ceux-ci n'aiment pas trop la prendre pour ce qu'elle est : une atrocité qui brise, anéantit, avilit, humilie, viole et détruit l'homme au plus profond de sa chair, au plus profond de son âme.

Les guerriers de Philippe Minyana n'appartiennent pas à la catégorie de ces héros sublimés par le cinématographe, toujours tirés à quatre épingles qu'elle que soit la force du canon; ce sont des "petits" délaissés par les honneurs, mais prisonniers à

jamais de l'horreur à laquelle il ont - heureusement ? - survécu.

La pièce les prend "juste après la guerre" : Taupin, Wolf et Noël - des noms pareils, ça ne s'invente pas - se retrouvent sur les lieux d'un improbable rendez-vous à la recherche de Constance, à la fois sœur, mère et putain. La guerre les a éloignés et déchirés, l'amour ou plutôt sa trace, son impossibilité à se dire et à se vivre les mènera au meurtre, cautérisant ainsi les blessures incurables.

Peu d'action au sens habituel du terme, une fable qui se résume en quelques mots, une langue qui brûle, poétique jusque dans son obscénité, une écriture qui chavire et fait chavirer : la pièce de Philippe Minyana, c'est un caillou qui saigne.


Philippe SIREUIL

 

Les guerriers

de Philippe MINYANA



THEATRE DE POCHE   DE GENEVE

THEATRE DE L’ANCRE

1999


Interprétation Nicolas Rossier (Wolf), Alexandre Trocki (Taupin), Laurence Vielle (Constance), Roland Vouilloz (Noël).

Décor  Vincent Lemaire

Costumes Anna Van Bree

Lumières et mise en scène

Philippe Sireuil

Production

THÉÂTRE DE POCHE DE GENÈVE, THÉÂTRE DE L’ANCRE DE CHARLEROI  & THÉÂTRE NATIONAL DE BELGIQUE








 
  1. photos de Véronique Vercheval ©

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